Collectif des Artistes Sans Frontières / Composé de musiciens et artistes réfugiés et migrants presque tous professionnels, le Collectif des Artistes Sans Frontières, fort d'une douzaine de membres de tous horizons musicaux et géographiques commence à faire parler de lui lors de concerts collectifs ou individuels. En attendant la réalisation d'une compilation de morceaux inédits. Focus sur trois de ces talents.
Gah Tsé Li, venu du Togo
Chanteur, danseur, percussionniste et même un peu humoriste, Gah Tse Li trimballe une joie de vivre communicative et une farouche envie d'aller de l'avant. Lorsqu'on lui demande pourquoi il a quitté le Togo pour la France, il évoque des « détails qui appartiennent au passé » ajoutant « ce qui arrive à notre pays avec la dictature, tout le monde le sait ». D'autant que pour Gah Tsé Li ce passé est loin : il est en France depuis 2006, où il intègre immédiatement une chorale dont il est le seul Africain. Chanteur émergent visant à « moderniser la tradition » dans son pays et en Côte d'Ivoire, c'est même à Lyon qu'il parvient à enregistrer son premier album, autoproduit, au studio Supadope du Peuple de l'Herbe.
Son groupe : Kakarako qui deviendra Vaudou Game : « Peter Solo est mon "frère". C'est lui qui a percé et me donne régulièrement le courage de persévérer ». Artiste dans l'âme – il fut également sculpteur – il ne lâche rien, malgré les contradictions de l'administration – il n'est pas autorisé à travailler hors du domaine artistique – et les conditions de production difficiles – il vit au Foyer Notre Dame des Sans-Abris : « beaucoup de gens me disent "tu es un artiste, qu'est-ce que tu fais ici ?". Qu'est-ce que je peux dire ? Je ris seulement. Je ne me décourage pas. » Il multiplie donc les concerts depuis des années, bénévoles, pour des associations en rêvant de jours meilleurs : « si tu attends qu'il y ait de l'argent pour évoluer, tu es obligé de rester à mi-chemin, et même si je n'ai rien gagné avec mon album parce qu'il était autoproduit, je continue parce que c'est dans mon sang. » Le titre de cet album, Paix dans le monde, dit beaucoup de cet idéaliste.
M. Brown, le son du Soudan
Derrière un nom de star du hip-hop, M. Brown, se cache un jeune artiste soudanais. Star, Mohamed, alias M. Brown, l'a été dans son pays. Il y avait publié un album, mélange de « musiques traditionnelles, de hip-hop et de dancehall, en arabe et en soudanais », qui l'avait conduit sur les plateaux télés, radios et dans les journaux. À la fin de l'entretien qu'il nous accorde, il nous montre une interview accordée à un quotidien soudanais de langue arabe. Au pays, on continue manifestement de le suivre depuis son départ en 2014. À l'époque, une de ses chansons déplaît aux autorités de Khartoum et le jeune homme émigre en France : « pour moi, dit-il, évoquant ce problème "politique", être artiste c'est chanter pour tout le monde et mon message c'est de dire ce qui ne va pas et ce qui pourrait aller mieux. Mais avec les politiques de mon pays, ça ne marche pas comme ça. »
M. Brown qui a commencé la musique à huit ans, chante aujourd'hui également en français même s'il considère que la langue n'est pas indispensable à la compréhension d'une chanson, raison pour laquelle il réfléchit beaucoup ses musiques. Alors qu'il travaille sur un album en français, arabe et soudanais qu'il aimerait finir pour la fin de l'année, M. Brown confie : « j'ai perdu beaucoup de choses en arrivant ici : des musiciens, le fait d'être une star. Aujourd'hui, plus personne ne connaît Mohamed ou M. Brown. Mais ça me donne de la motivation. Je sais que tout ce que j'ai fait au Soudan, je peux le faire ici. En France, je suis comme français et ici, je dois chanter. »
Laura Kindoki, le gospel du Congo
Seule femme du collectif, Laura Kindoki, Youguette de son vrai prénom, est tombée dans la musique petite via la pratique du gospel à l'église dans son Congo natal. Mais elle doit délaisser cette passion lorsque sa famille juge plus raisonnable de l'envoyer en France fin 2014, en raison de problèmes politiques (son père ayant été un « grand militaire sous Mobutu ») : « j'étais seule avec mon fils, moralement et psychologiquement ç'a été très dur. J'aime beaucoup la musique mais j'avais tellement de problèmes... »
Mais le naturel revient au galop chez cette chanteuse qui ne lâche jamais son cahier : « j'écris tout le temps, même quand je ne me produis pas. La base c'est le gospel, j'écris ce que je vis, les moments où j'ai besoin de courage et d'espoir, ce sont mes prières. » Remarquée dans une église, la rencontre avec le collectif lui remet le pied à l'étrier musical. Le concert donné au Périscope à l'occasion de La Clé du Sol, où ses talents sont là encore très remarqués, lui permet de rencontrer des musiciens lyonnais et donne naissance au Laura Kindoki trio : « tout s'est passé tellement vite, nous avons déjà treize chansons – de belles chansons –, notre univers parle aux gens, les musiciens aiment ce que je fais ».
Au gospel, celle qui chante en lingala, français, espagnol, anglais et portugais (elle a vécu au Brésil enfant) ajoute la soul, le blues et le jazz et rêve du meilleur : « je travaille, je répète beaucoup pour améliorer ma voix, je voudrais en vivre, je sais que c'est compliqué mais je vais rêver », achève-t-elle dans un de ces éclats de rire qui ponctuent nombre de ses phrases.
Alter tous égaux
Ils sont douze, auteurs, compositeurs, interprètes, musiciens, ou même réalisateur, venus de tous horizons, géographiques (Burundi, Angola, Syrie, Soudan, Guinée...) comme musicaux et se produisant ensemble ou séparément sous l'étiquette Artistes sans frontières, un collectif créé à la rentrée 2017 par l'association Alter-Égaux et qui accompagne ces artistes professionnels ou en voie de professionnalisation. Après l'événement Clé du Sol en mars dernier, bâti avec six étudiants en master de direction de projets artistiques, qui leur avait permis de rencontrer sur la scène du Périscope des musiciens lyonnais, et de nombreuses dates à venir, une compilation est en projet, œuvre collective visant à faire connaître chacun de ces artistes sans frontières.
Festival Livraison d'été
Aux Subsistances le dimanche 17 juin à 12h30
Festival de la Croix-Rousse
Au Jardin des Chartreux le dimanche 17 juin à 18h
Fête de la Musique
Au Parc de Beauregard (Saint-Genis-Laval) le jeudi 21 juin
Apéro du monde
À la Maison pour tous des Rancy le vendredi 11 juillet