Petit Bulletin Festival / Estampillée "futur de la chanson française" en 2011 avec son album "Initiale", L a su négocier les changements de direction, et même d'identité, sans jamais se trahir. Revenant avec son troisième album, "Chansons", à une forme de simplicité dont le charme néo-classique viendra hanter la Chapelle de la Trinité le temps d'un concert.
Vous dites avoir toujours chanté, que c'était chez vous un genre de cérémonie familiale ? Pouvez-vous nous parler de votre premier contact avec la musique ?
L : Ça remonte à loin. Mes parents ne sont pas musiciens à proprement parler mais il y a toujours eu beaucoup de musique à la maison, ils adoraient ça l'un et l'autre. À la maison on écoutait les Beatles, Otis Redding, Barbara, Mozart, c'était très éclectique. Je me suis mise à chanter toute petite, je n'ai pas de souvenir de moi sans chanter. À l'époque, je faisais déjà des spectacles devant tout le monde à longueur de temps.
Entre chanter pour sa famille et monter sur scène, il y a un pas, comment vous êtes-vous retrouvée à en faire non seulement une activité sérieuse mais surtout un métier ?
À vingt ans je pensais encore que j'allais faire des études et j'ai commencé à faire de plus en plus de musique, à rencontrer des musiciens qui sont devenus des compagnons de route comme Babx que j'ai rencontré quand j'avais 19 ans. Là j'ai su assez vite que je voulais pas faire autre chose. Après, il y a eu dix ans pendant lesquels j'ai commencé à écrire, à faire des petits concerts dans des bars et je ne savais pas trop comment on faisait tout ça. Mais au fur et à mesure, ça a fini par se faire.
Vous aviez une formation musicale ou vous avez surtout appris sur le tas ?
J'ai fréquenté pendant plusieurs années une école de chant assez géniale, les Globetrotters avec Martina A. Catella, une ethnomusicologue dont l'enseignement était fantastique. Ce n'était pas très orthodoxe mais en revanche très précis et très exigeant.
En 2011, sortait votre premier album, Initiale. D'emblée la presse vous a encensée, Télérama vous mettant à sa Une affirmant : « La chanson française c'est L » ; Didier Varrod de France Inter déclarant qu'il y aurait un avant et un après L. On vous comparait à Barbara en soulignant la force de vos textes. Aussi agréable que ce puisse être, cela n'a-t-il pas été quelque peu violent ?
Violent non, parce que c'est quand même très chouette. Dieu merci, j'avais déjà baroudé pendant pas mal de temps avant et la plupart des chansons qui sont sur le premier album existaient déjà sur un petit six-titres que j'avais sorti en 2008. Ça m'a permis d'avoir de la distance, de me dire à la fois quand tout allait bien et quand c'était un peu plus dur qu'il ne fallait pas s'énerver.
Y a t-il eu pour vous même, pour reprendre la formule de Didier Varrod « un avant et un après » cet accueil quasi unanime ?
Oui, parce que depuis, je vis clairement de mon métier, ce qui est quand même très chouette. Après le premier album, on a fait une tournée de 150 dates, c'est énorme, même si à l'époque je ne me rendais pas compte à quel point c'était extraordinaire.
Dans ce contexte, cela a-t-il été compliqué de se remettre à l'écriture ?
Pas du tout. En revanche, j'ai eu envie d'aller voir ailleurs, d'expérimenter autre chose parce que j'avais envie de m'amuser. Le deuxième album est à cet égard plus électro, et m'a permis de m'échapper de tout ça parce que je ne savais pas très bien quoi en faire. Notamment la référence à Barbara, qui me plaît beaucoup parce que je l'adore, mais à force j'avais vraiment envie qu'on me parle d'autre chose.
Est-ce pour cette raison que vous avez choisi à ce moment-là, en 2015, de sortir ce deuxième album sous votre vrai nom, Raphaële Lannadère ?
Oui, mais c'était aussi un choix de ma maison de disque et je crois que je n'y ai pas assez réfléchi. Car finalement mon "L", quand je fais des chansons, il me va bien. C'est pour ça que je l'ai repris pour le troisième album. Il me manquait.
Ce changement de nom au moment du deuxième album, accompagné de ce virage esthétique, n'a-t-il pas un peu dérouté le public et la presse, brouillé les pistes en quelque sorte ?
Si certainement. Pour les médias ç'a clairement été le cas. Mais ça n'a pas brouillé mes pistes à moi donc ça n'était pas très grave. Au contraire, j'ai trouvé tellement de choses dans ce changement... Par exemple, je suis devenue très heureuse sur scène à partir de cet album, ce qui n'était pas forcément le cas sur le premier. Parce que j'y ai trouvé de la liberté. Que ce deuxième album marche ou pas, ou moins bien que le premier, finalement ce n'était pas si important. J'étais bien avec ce que je faisais.
Pour le troisième, Chansons, sorti cette année, vous avez repris, comme on le disait, le nom de L et êtes revenu esthétiquement vers quelque chose qui se rapproche un peu plus du premier mais dans une approche néo-classique avec une grande place laissée à un quatuor à cordes... Quelles étaient vos envies en abordant cet album ?
Des cordes, des cordes, des cordes (rires). J'en écoutais énormément l'été précédent et j'avais vraiment envie d'expérimenter quelque chose simplement avec des cordes. Et comme j'avais pris beaucoup de liberté sur le deuxième album, j'avais envie de revenir à beaucoup de simplicité et de sobriété dans l'écriture.
Comment avez-vous arrangé votre disque pour cette tournée ?
Alors, ça c'est assez génial, je suis très heureuse de ce qu'on a fait. En fait on a fait une réduction de quatuor à cordes pour deux violoncelles. Il y a juste en plus un batteur qui joue quelques percussions. Et donc c'est encore plus brut, plus nu que l'album, ça me plaît beaucoup.
Concernant vos textes qu'est-ce qui vous inspire et produit l'écriture ?
L'émotion toujours. Là par exemple, juste avant cette entretien, j'étais sur la route et j'écoutais sur France Inter une émission consacrée aux transexuels dans laquelle j'ai appris plein de choses. Il a notamment été question d'un transexuel qui dans les années 50 avait subi des électro-chocs pour se "soigner". Je suis quasiment sûre que je vais faire une chanson là-dessus dans les jours qui viennent. Voilà.
En effet, vous appartenez à une certaine école de la chanson française qui s'inscrit le plus souvent dans une écriture de l'intime. Pourtant, sur des chansons comme Orlando, pour ne citer qu'elle, vous n'hésitez pas à explorer des sujets de société. Mais vous le faites d'une manière très métaphorique, loin de ce qu'on pourrait qualifier de chanson engagée...
Parce qu'à vrai dire, les chansons trop premier degré quand elle sont engagées, je trouve ça assez inélégant. Je préfère toujours l'évocation, comme l'a beaucoup fait Barbara. Je trouve ça beaucoup plus fin. La chanson est avant tout une affaire de sensation.
Être dans l'évocation, c'est ce qu'il y a de plus compliqué ?
Non, au contraire ça permet de s'emmener soi-même ailleurs que chez soi. Ce qui est difficile c'est de se jeter à l'eau. D'autant plus que comme j'écris sur des choses qui me bouleversent, le plongeon peut être assez violent. Mais une fois qu'on y est c'est merveilleux parce qu'on sort un peu de soi-même. Ce qui est quand même très agréable parce qu'à écrire tout le temps sur soi on finit par tourner en rond.
L (Raphaëlle Lannadère)
À la Chapelle de la Trinité le vendredi 26 octobre