Thriller / de Drew Goddard (É-U, int.-12 ans, 2h22) avec Chris Hemsworth, Dakota Johnson, Jon Hamm...
Fin des années 1960. Construit à cheval entre la Californie et le Nevada, l'Hotel El Royale a connu des jours meilleurs. C'est pourtant dans ce décor décrépit que se retrouvent une poignée de voyageurs en apparence ordinaire. Ne vous a-t-on jamais dit de vous méfier des apparences ?
Distribution de prestige, première séquence intrigante, décor prometteur... Drew Goddard sort du bois avec du costaud dans la musette. Sous l'apparence d'un polar mode-vintage, un peu exagérément série B, à la manière d'une fantaisie des frères Coen, et chapitré/destructuré à la Tarantino, Sale temps à l'hôtel El Royale cristallise dans ses coursives un concentré des obsessions, des hantises et des traumas ayant frappé la société américaine au tournant des années 1960, alors qu'elle faisait le deuil de ses soldats morts au Vietnam, de(s) Kennedy, des Trente Glorieuses et de nombreuses illusions...
Derrière le paravent du film de braquage, c'est en ce lieu symboliquement frontière que le mythe d'une nation éternellement adolescente prend du plomb dans l'aile (et dans la cervelle) en se confrontant à ses faces sombres. Ici, tout n'est d'ailleurs que faux-semblants : le VRP en aspirateurs l'est autant que son voisin prêtre ; c'est-à-dire aussi franc et honnête que Nixon (dont la télévision renvoie images et discours lénifiants) ou le gourou mansonien rôdant dans les parages. Seules les glaces sans tain des chambres s'avèrent réellement transparentes... en volant l'intimité des clients de l'hôtel et révélant leurs vices cachés — jolie métaphore !
Annonçant par l'oreille Conversation secrète de Coppola ou Klute de Pakula ; par le regard l'obsession réflexive de De Palma, Sale temps à l'hôtel El Royale tient sur la longueur grâce à ses digressions narratives et sa réalisation habile. Ludique et bien (dé)troussé.