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Malik Bentalah : « on cherche tous notre Tchao Pantin ! »
Par Vincent Raymond
Publié Mercredi 12 février 2020 - 2898 lectures
Photo : © Paramount / Sega / Doane Gregory
Sonic le film
De Jeff Fowler (EU, 1h39) avec Malik Bentalha, James Marsden, Tika Sumpter
Sonic, le film / Revendiquant son appartenance à la Génération 1990 comme sa culture gaming, Malik Bentalah ne s’est pas fait prier pour prêter sa voix au hérisson bleu de Sega. Un rôle qui lui a permis de dévoiler un registre plus sensible, que l’humoriste aimerait davantage explorer…
Quel joueur de console étiez-vous ?
Malik Bentalah : C’est bien simple : à l’époque, il y avait la team Super Mario et la team SuperSonic, avec la MegaDrive, j’ai passé des après-midis entières à jouer… quand il n’y avait pas école, bien évidemment. Je joue moins, mais je suis toujours influencé par la culture gaming : j’ai grandi avec le Club Dorothée et les manga. Chez moi, il y a une pièce remplie de figurines, avec de petits tableaux DragonBall Z, Sonic… Quand j’y entre, j’ai l’impression de revenir en enfance, c’est mon bureau de travail, il y a un côté Pixar. Donc quand on m'a appelé pour faire la voix, j'ai dit oui tout de suite, alors que d’habitude je me fais désirer.
Comment avez-vous vécu la polémique portant sur la première physionomie du personnage de Sonic ?
Attention, je commence à être rodé au niveau des polémiques : Taxi 5, CopyComic… Là, je me suis dit que c’était bon signe, dans le sens où il y a eu un raz-de-marée mondial sur les réseaux sociaux. Bon, au début, je me suis dit : « aïe aïe aïe, je suis dans une galère ! » (rires) et puis avec du recul, en prenant la chose différemment, c’était une bonne nouvelle : si personne n’avait calculé le film, cette indifférence aurait été bien pire. Chez Paramount, je sens que c’est un gros film pour eux, et ça fait plaisir de faire partie de cette aventure — qui sait, peut-être qu’il y aura la suite…
Votre jeu est, à la base, dynamique et expressif. Comment avez-vous fait pour que cette énergie se concentre dans la voix afin de donner vie à un personnage lui-même hyper dynamique et expressif ?
J'ai eu la chance de faire d'autres doublages auparavant — Monstres Academy avec Catherine Deneuve, Ballerina avec Camille Cottin — mais je n’imaginais pas la charge de travail que Sonic allait représenter. Il est hyper actif, c’est une boule d’énergie, et il fallait trouver les propositions correspondant aux plus âgés comme aux plus jeunes, puisque c’est un film d’animation familial. On s’est torturé la tête et j’ai fait en sorte d’être au plus proche de ce que je suis : si Paramount est venu me chercher, c'est qu'ils trouvaient des similitudes entre Sonic et moi. J'en ai trouvé dans ses vannes, mais aussi dans son côté touchant — car il n'y a pas qu'une succession de vannes.
Et puis, il y avait une belle équipe autour de moi, notamment Hervé Rey qui travaille avec de grosse boîtes qui m’a drivé sur le doublage — c’est important quand on n'en a pas fait depuis un moment. Et j’ai eu la chance de croiser une légende vivante du doublage, Emmanuel Curtil, la voix de Jim Carrey. C’est fou comme ma génération, celle des années 1990, admire ces acteurs et toutes ces voix qui nous ont bercés… Le voir et l’entendre parler fait remonter plein de choses : The Mask, Ace Ventura… Quand il a dit " Splendide !", j'ai été obligé de le filmer.
Vous vous trouvez touchant ?
C’était la petite cerise sur la gâteau quand j’ai vu le film : j'ai pu proposer des choses que je ne fais pas forcément d'habitude. Si on regarde ma filmographie, je vais en Thaïlande je fais caca sur un nain, je conduis un taxi… J'aimerais bien qu’Alan Terzian me connaisse et on en est encore loin ! (rires) Ce sera peut-être l'occasion… Il faut assumer ce côté touchant ; pourquoi pas passer par le doublage, tout doucement, pour voir comment ça se passe ; peut-être qu’après on me proposera autre chose. Après Sonic, les gens auront vu quelque chose qu’ils n’auront pas vu dans Pattaya.
Mais il y avait déjà un côté touchant dans Le Doudou…
Le Doudou, ça a été mal payé. J’ai adoré ce film, mais il est sorti quand la France est passée en quart de finale de la Coupe du Monde de football. Comme tous les Français voulaient revivre un 12 juillet 1998 et que l’équipe de France vivait une épopée incroyable, on aurait pu sortir Armaggedon... Même moi je ne serais pas allé voir Le Doudou si je n’avais pas été dedans ! C’est dommage qu'il n’ait pas rencontré son public parce qu’il n’avait pas la bonne date de sortie. C’est un de mes films préférés, un de ceux que j’ai eu le plus de plaisir à tourner et qui a ce côté touchant, c‘est vrai. Le cinéma est une bagarre perpétuelle. En France, Dany Boon ne doit faire que des comédies où il a l’accent du nord ; Malik que des films où il va en Thaïlande avec sa bande de potes… mais on cherche tous notre Tchao Pantin !
Comment êtes-vous passé de Bagnols-sur-Cèze à la Thaïlande ?
Par le biais d’une prof d’espagnol en terminale. ll m’arrivait de sortir la bonne vanne au bon moment — la salle de classe est un bon laboratoire quand on veut faire ce métier. Le challenge c’était de faire rire la classe et la prof aussi : c’était la meilleure manière de ne pas se faire punir. Mais je ne l’aurais pas fait avec un prof de physique-chimie ou de maths (rires). Les profs de maths, tu peux leur sortir la vanne du siècle et ils te disent : « OK, on va faire les logarithmes et tu vas rentrer vite dans le rang ». La prof d’espagnol a convoqué mes parents, leur a dit que j’avais du talent et les a persuadés de me laisser monter à Paris. Ma mère voulait que je sois architecte, mon père a dit « pourquoi pas un an » et je suis allé au Cours Florent.
J’y suis resté pour 15 000 euros (rires). Qu’est-ce que ça coûte cher ces écoles de théâtre quand on arrive de province ! J’avais trois boulots pour payer les neuf heures de cours hebdomadaire. J’ai bossé au Starbucks des Halles, pendant ma pause je regardais les affiches de tous les films qui sortaient. Un jour, je vais à l'avant-première de Parlez-moi de la pluie d'Agnès Jaoui et je vois Jamel. Je me suis dit que ce serait incroyable de pouvoir bosser avec lui un jour.
J’ai rencontré Alex Lutz qui a été mon ange-gardien alors que j’étais sur le point de tout arrêter et de redescendre dans le sud. Je n’avais plus d’argent, le théâtre ça m’allait, mais après avoir lu Koltès 73 fois et Feue la mère de madame de Feydeau, j’avais envie de faire du one man show. Alex m’a repêché au Point Virgule et s'est occupé de moi. Comme j'avais besoin d'argent, et que lui venait d'être pris pour le tournage de OSS 177 Rio ne répond plus au Brésil, il m'a proposé d'être nounou pour son petit garçon ; c'est donc en gardant son fils pendant six mois qu'on a commencé à travailler ensemble.
Par la suite, je suis allé au Jamel Comedy Club. Et comme il revenait sur scène, il recherchait une première partie et m’a emmené sur les routes. En fait, j’ai eu une carrière inversée, comme Benjamin Button, en démarrant dans des Zénith, en faisant des premières parties. Je n’avais jamais joué devant personne et Jamel m’a jeté dans des salles de 6000 personnes, comme on jette quelqu'un de force dans l’eau pour qu'il apprenne à nager. Forcément, au bout d’un moment on se stabilise, on trouve que c’est pas mal et on avance.
C'est l’énergie de Sonic qui vous a fait mincir ?
Quand on m’a dit que j’allais faire Sonic, je me suis dit qu’il fallait qu’on soit un minimum raccord. Ça faisait partie de mes projets : la forme physique au retour des vacances. Ça me fait penser à une vanne de Jérôme Commandeur — le mec qui me fait le plus rire : « un jour j’ai voulu démarrer un régime ; le déclic ça a été quand je me suis pesé. Je ne vais pas vous dire le poids, je vais juste vous donner un indice : “dalmatiens“. Et on en a fait entrer des petits chiots derrière : 102, 103, 104… »
Quand on monte sur la balance et que l’on voit trois chiffres, on se dit : « wow ! ». Dans le métier que je fais qui est un métier d’image, sur les réseaux sociaux, les gens n’ont pas de cœur : ils sont là pour voir du sang ! Alors on se pose et soit on fait preuve de caractère, soit on se met à courir. Vis-à vis de mes équipes, qui voient que je vais de l’avant, je pense que ça leur donne envie de se bagarrer pour moi. Ils ne pouvaient pas quand je me laissais aller. Et je ne pouvais pas faire la promo de Sonic dans cet état. Donc je cours une heure par jour, tous les jours. Je ne vais pas dire comme tous les connards : « c’est une drogue, le sport ». Mais quelque part, ils ont raison (rires). Le début est le plus dur : ce qu’on veut, c’est voir et au début on se donne du mal et on voit pas. C’est pour ça que je ne me suis jamais pesé. La balance est un piège. Sonic a été un vrai défi.
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