Films en salles le 27 septembre

En vedette cette semaine "Le Procès Goldman", signé Cédric Kahn, et le nouveau Woody Allen "Coup de chance", accompagnés de "N'attendez pas trop de la fin du monde", "DogMan“ et de "Club Zero". 

À voir

★★★☆☆Le Procès Goldman

1975. Militant d’extrême-gauche déjà condamné pour braquages, Pierre Goldman repasse devant les tribunaux avec comme chef d’accusation principal le meurtre de deux pharmaciennes. S’il revendique bravache des larcins, il nie farouchement le crime de sang qu’on lui impute et use du box comme d’une tribune politique. Au grand dam de son avocat Georges Kiejman, partisan d’une défense plus mesurée…

Deux films de procès ont brillé cette année à Cannes ; voici le second qui offre — outre une toujours saine et bienvenue leçon d’Histoire immédiate — une fascinante réflexion sur la justice et la manière de représenter la liturgie judiciaire à l’écran. S’il cherche l’authenticité (et la trouve), Kahn se démarque de la reconstitution empesée en recourant à des idées de stupéfiante mise en scène renouvelant un genre séculaire : ses champs/contre-champs “impossibles“ car assemblés en une image, permettent ainsi de conserver la tension des débats grâce à un procédé purement cinématographique — comprenez : que le théâtre ne pourrait offrir. Au plus près des protagonistes, dans le souffle de la parole jusqu’aux micro-hésitations, Kahn dispose du précieux concours d’un Arieh Worthalter transcendé par le personnage qu’il a à composer. Ni glorieux, ni haïssable mais réellement ingérable, il est le produit de son époque et d’une histoire personnelle qui le consume de l’intérieur. Il apparaît aussi comme un lanceur d’alerte furieusement contemporain lorsqu’il hurle à la discrimination latente. Derrière la patine du temps, les années 1970 ne sont pas si éloignées de nous.

De Cédric Kahn (Fr., 1h56) avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewin…


★★★☆☆N’attendez pas trop de la fin du monde 

5h50, le 11 septembre 2022. Angela débute à Bucarest sa journée marathon d’assistante de production : elle doit identifier de bons profils pour une campagne pour la sécurité au travail commanditée par une multinationale. Entre chaque rendez-vous, elle laisse parler son avatar numérique sur les réseaux…

On n’a pas fini (et c’est tant mieux) d’explorer le cinéma de Radu Jude, lequel fouille avec méthode et des concepts “autour de l’image” toujours pertinents la société roumaine d’aujourd’hui, révélant à quel point elle demeure possédée par les reliefs de son passé. Et a été cannibalisée par le capitalisme occidental. Si Bad Luck Banging or Looney Porn (Ours d’Or 2021) était “mentalement“ parasité par le souvenir de la séquence intime présentée en ouverture, N’attendez pas trop de la fin du monde se trouve quant à lui entrecoupé de deux sources distinctes offrant un contrepoint décalé à la longue déambulation d’Angela. D’abord les fragments d’un autre film roumain  (Angela merge mai departe de Lucian Bratu, 1981) que Jude intercale, distord, malmène pour mettre en exergue d’intrigants éléments secondaires. Ensuite, les vidéos format Tik-Tok à filtre où son héroïne Angela éructe dans de petits sketches outranciers les pires abominations destinées à faire le buzz. Entre les deux, des images en noir et blanc d’un pays dérégulé, comme vassal de l’UE alors qu’il en est membre. Où survivent les vieux préjugés vis-à-vis des Tziganes, où les lois sont théoriques et l’hypocrisie une règle. Jude ne ménage jamais ses spectateurs avec ses plans volontiers longs ; au moins nous donne-t-il à partager le ressenti de ses personnages. Éprouvant peut-être, mais passionnant.

De Radu Jude (Rou.-Fr.-Lux.-Cro., 2h40) avec Ilinca Manolache, Ovidiu Pîrșan, Dorina Lazar


★★★☆☆Coup de chance 

Paris, avenue Montaigne. Par hasard, Alain croise Fanny, une ancienne camarade de lycée dont il était épris. Celle-ci est mariée au riche Jean, un homme en apparence bien sous tous rapports. Mais lorsqu’il suspecte la liaison que Fanny noue avec Alain, il révèle un autre visage, bien moins avenant…

Cette nouvelle escapade parisienne de Woody Allen ne ressemble en rien à ses précédentes visites touristique (Everyone says I Love You, Midnight in Paris…) ; pour autant, peut-on dire qu’il s’agit là d’un “film français” ? Le cinéaste a en effet totalement translaté son Manhattan dans les beaux quartiers de la capitale, troquant Central Park contre le Parc Monceau ou les jardins du Luxembourg — les frondaisons d’automne étant similaires — et les chics appartements de la 5e Avenue contre de non moins luxueuses demeures du VIIIe ou du XVIIIe arrondissement. Mais au fond, cela a-t-il quelque importance : l’essentiel pour nous est de humer l’atmosphère allenienne. Celle-ci prend parfois une drôle de coloration à la  Eyes Wide Shot (la lumière et les focales dans les intérieurs du couple Jean/Fanny y contribuent) qui renforcent la menace latente de ce thriller au dénouement faisant écho à Match Point. Suavement trouble, Melvin Poupaud poursuit ici une belle année d’exploration de personnages ambigus quand Niels Schneider prolonge sur la voie de cette fragilité presque ingénue qu'il avait empruntée chez Mouret. Mais c’est Valérie Lemercier, façon Diane Keaton, qui s’immerge le mieux dans le flot de Woody. À croire qu’elle y a toujours évolué… ou qu’elle y reviendra.

De Woody Allen (G.-B., Fr., 1h33) avec Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Niels Schneider…


★★★☆☆DogMan 

Arrêté travesti en femme au volant d’un fourgon rempli de chiens, Douglas Munrow est placé en détention après la découverte d’un scène de crime à son domicile. Une psychiatre est appelée pour interroger cet étrange suspect qui, contre toute attente, va lui dévider le cours de sa douloureuse existence…

On a déjà vu bien des thrillers reposant sur un face à face entre enquêteur et détenu. Mais une règle implicite veut que le représentant de la loi (ou le psy) soit en fait manipulé par le coupable pervers qu’il tente — en pure perte — de faire avouer. DogMan multiplie les entorses à ce sacro-saint principe : non seulement Douglas ne cache rien mais il ne joue (presque) pas les marionnettistes vis-à-vis de son interlocutrice. Il s’inscrit toutefois bien dans la longue lignée de ces déracinés à la fois protecteurs et rédempteurs émaillant le cinéma de Luc Besson, prêts à faire l’offrande de leur vie en échange du salut de leur prochain. Mais si le calvaire de Douglas tient de l’apostolat, voire du martyre christique (bien préparé par le formatage d'un père intégriste), son existence entière est semée de souffrances et non uniquement durant son coup d’éclat final.

Renouant avec son esthétique des débuts (reposant davantage sur l’optique, la lumière et les décors que sur le numérique), Besson retrouve une forme d’authenticité : comme si le fait de devoir composer avec l’imprévu du vivant (en l’occurrence, les chiens) nécessitait de moins recourir à des artifices trop voyants. Bénéfice collatéral : les acteurs en sortent eux aussi gagnants. Apparu dans une foultitude de films notables depuis une décennie mais révélé au grand public grâce son rôle dans Nitram (2021), Caleb Landry Jones déploie ici un éventail bien plus large. Un sorte de récital — dans tous les sens du terme puisqu’il incarne jusqu’à Piaf et Dietrich sur scène — rappelant l’amplitude d’un Philip Seymour Hoffman, avec lequel il partage quelques faux-airs. Puisse-t-il les conserver longtemps !

De Luc Besson (Fr., É.-U., avec avert. 1h53) avec Caleb Landry Jones, Jojo T. Gibbs, Alioune Sané…


À la rigueur

★★☆☆☆☆Club Zero 

Au sein d’un internat privé ultra sélectif, la charismatique Miss Novak est recrutée pour prodiguer un cours de nutrition. Derrière ses tisanes et son sourire figé se cache un gourou promouvant la privation totale de nourriture. Un fraction d’élèves succombe à son emprise vénéneuse…

Le cinéma de Jessica Hausner a beau se dissimuler sous ses splendides oripeaux (image léchée, cadres surcomposés, architectures, décors et costumes maîtrisés jusqu’au moindre accessoire), il n’en reste pas froidement programmatique et d’une banalité confondante. Postule-t-elle qu’une enveloppe ouvragée suffirait à elle seule à faire passer des thèmes essorés pour neufs ? D’ailleurs, si son précédent opus, Big Joe (2019) ressemblait une tentative de ravalement cosmétique de Paradis pour tous (1982), celui-ci, avec l’emprise médico-sectaire d’un gourou du bien-être et sa tyrannie du corps, fait curieusement écho à Traitement de choc (1973) du même Alain Jessua — quand on aime, pourquoi se priver ? La différence, c’est bien la forme : par sa esthétisation outrancière, Hausner déréalise tant son sujet qu’elle l’éloigne des spectateurs. La “morale” (ici, un genre de «gardez-vous des faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs » - (Matthieu 7:15) et surtout La Nuit du chasseur de Charles Laughton, 1955) en ressort surlignée au Stabylo… et paraît aussi creuse qu’un jour de diète.

De Jessica Hausner (Aut.-All.-Fr.-G.-B.-Dan., avec avert. 1h50) avec Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein…

 

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