Cinéma : les films qui sortent à Lyon le mercredi 1er novembre 2023

À voir

★★★☆☆  Le Garçon et le Héron 

Japon, durant la Seconde Guerre mondiale. Peu après la mort de sa mère dans un incendie, Mahito quitte Tokyo pour la campagne où son père a épousé la sœur de la défunte. Très vite, il remarque des événements étranges dont un héron fanfaron qui lui ouvre les portes d’un autre monde…

Vraiment, Miyazaki sait comment ravir ses adeptes… au risque toutefois de succomber au fan service. Si l’on excepte son ouverture d’une beauté terrible, représentant une pluie de brandons et de cendres affolant la nuit, ô combien lourde de symboliques, Le Garçon et le Héron tient du florilège (ou de la redite) de grandes thématiques déjà bien essorées par le vénérable cofondateur du Studio Ghibli. Pour schématiser, on dira que l’arc narratif de l’enfant-esseulé-trouvant-dans-son-domicile-des-créatures-façon-kappa-ou-yōkai-et/ou-l’accès-à-une-dimension-parallèle-permettant-de-rectifier-le-destin-familial est devenu commun dans les anime nippons… mais qu’à ce jeu-là, Hosoda avec Miraï ma petite sœur (2018), Shinkaï avec Suzume (2023) ou Hara avec Le Château solitaire dans le miroir (2023) en offrent désormais des variations à bien des égards plus inventives.

Le Garçon et le Héron laisse une impression mitigée : celle que Miyazaki a recyclé une trame pour y déposer des visions fulgurantes et virtuoses (telles que les bandelettes emballant ses personnages ou le “boss final“ digne de Mœbius), colmatant le reste en glissant des friandises pour ses inconditionnels (les nuées de “warawara”, boules blanches évoquant en négatif les noiraudes, comme les motifs triangulaires sur les bedons des créatures, rappellent furieusement Totoro). Des péchés véniels en regard du bizarroïde trou de scénario entre deux séquences, sorte d’ellipse que rien ne justifie et n’est jamais justifiée, où le spectateur se demande qui de lui ou de Mahito a fait une micro-sieste. Puisqu’il se dit que Miyazaki ne veut pas achever sa carrière, attendons donc avec espoir son prochain film.

Un film d'animation de Hayao Miyazaki (Jap, 2h04) avec les voix de Masaki Suda, Takuya Kimura, Kô Shibasaki…


★★★☆☆  L'Enlèvement 

Italie, au milieu du XIXe siècle. La quiétude des Mortara vole brutalement en éclat lorsque les gardes pontificaux viennent en pleine nuit arracher à cette famille juive le petit Edgardo au motif que l’enfant a été baptisé en secret par leur nourrice. Le cas de cette “âme chrétienne“ devient une affaire politique internationale…

Peintre rigoureux de l’Histoire italienne immédiate (notamment des Années de plombs, auxquelles il a consacré quelques films de référence) ; ayant par ailleurs manifesté un vif intérêt pour les drames familiaux — la sienne lui ayant fourni une douloureuse inspiration —, Bellocchio conjugue ici ses deux obsessions en exhumant ce lointain scandale sur l’acculturation forcée par l’Église catholique… qui peut cependant trouver des résonances contemporaines en Australie, au Canada. Suivant de manière scrupuleuse le destin d’Edgardo, instrumentalisé par un Vatican au bord du déclin, Bellochio semble épouser une forme au classicisme parfois empesé ; il s’en libère parfois dans des séquences semi-oniriques montrant Pie IX hanté par des démons intérieurs (des ruptures de tons stylistiques illustrant à merveille ce que Moretti appelait dans son dernier film les moments “what the fuck“). Pour le reste, on a là une reconstitution irréprochable autant que la démonstration que l’endoctrinement précoce d’un gosse peut lui bousiller la vie.

Un film de Marco Bellocchio (It-Fr-All, 2h14) avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese…


★★★☆☆ Complètement cramé !

Entrepreneur britannique laminé par la perte de son épouse, Andrew a tout quitté pour aller revoir la propriété où il avait vécu ses premiers émoi avec sa chère et tendre en France. Sur place, il est victime d’un quiproquo : on le prend pour un majordome venu se faire embaucher. Andrew se prend au jeu…

Le rêve d’une vie, ou presque : celui du romancier à succès Gilles Legardinier de voir transposé à l’écran (qu’il connaît bien pour avoir beaucoup écrit sur ou autour du cinéma) l’un de ses propres textes. Rien à dire sur la sincérité de la démarche ni sur la qualité de la distribution hors tête d’affiche : Fanny Ardant est naturellement enveloppée d’un charme ténébreux et mélancolique, Philippe Bas joue bien au garde-chasse rustaud à chien et chat avec Émilie Dequenne en gouvernante (faussement) revêche. Pas grand chose à reprocher non plus au cadre ni à l’image, cultivant un côté désuet sympathique, entre téléfilm de prestige et série anglaise qu’on regarde devant la cheminée.

On tolère la prévisibilité réconfortante de la chose, mais on butte sur un détail signifiant : l’élocution à couper au cutter de John Malkovich, dont le personnage est censé parler un français fluide mais qui hache ses répliques comme pour en faire du shepherd’s pie. Ça ne devrait pas empêcher le film de faire recette.

Un film de Gilles Legardinier (Lux-Fr, 1h50) avec John Malkovich, Fanny Ardant, Philippe Bas…

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