WONG KAR-WAI (Océan/TF1 vidéo)
On se l'était gardé pour l'été, ce DVD-là, car cette merveille de Wong Kar-Wai doit être vue, revue, et revue encore avec toujours plus de temps, d'attention, et enfin de passion. Le plus beau étant que malgré les égards déployés pour cette édition truffée de scènes coupées, de makings-of et de témoignages en tout genre, rien ne vient en percer le secret. Pas celui de sa "légendaire" gestation, mais celui qui se murmure dans l'arbre en haut de la montagne, celui enfoui au fin fond de 2046 (la ville, la chambre d'hôtel, l'année, le livre et in fine le film lui-même), ce "lieu" dont personne n'est jamais revenu. Secret de l'amour dont on pense pouvoir faire le deuil et se laisser aller à la carrière facile de séducteur irrésistible, mais qui fait retour par la porte dérobée : douleur du souvenir, crainte de l'échec, peur de la perte. Dans ce dédale narratif au souffle romanesque peu commun et à la splendeur visuelle sans pareil, Wong capte cet entre-deux mystérieux : dois-je m'attacher au risque de me noyer ou dois-je, au contraire, saisir sans remords ce plaisir qu'on dit charnel ? Ainsi tournoie 2046 : de l'érotisme le plus brûlant à la mélancolie la plus glaciale, du passé douloureux au futur incertain. De nous à lui et réciproquement, car peu de films ont autant regardé le spectateur droit dans les yeux pour le sonder jusqu'à l'âme.CC
