Yann Ducruet

Yann Ducruet, comédien et metteur en scène, a imposé une autre façon de faire du théâtre avec ses sitcoms itinérantes et ses spectacles débraillés. Christophe Chabert

C'est bientôt noël, et entre le retour des illuminations, des magasins bondés, du sapin et de la bûche, c'est aussi le retour de Yann Ducruet. La mi-décembre est pour lui l'occasion d'annoncer cette bonne nouvelle : sa sitcom théâtrale, le Yann Ducruète show, va rentrer dans sa troisième saison. Pour faire patienter les accrocs, il leur offre en guise d'apéritif un "épisode de noël" dont il résume le pitch pour nous en exclusivité locale : "Le Père Noël a vécu longtemps sur une planète qui a explosé, et il a atterri en 44 sur une usine de Coca-Cola ; il a été mannequin, il a eu une vie facile, jusqu'au jour où il a rencontré Santa Claus, un autre barbu qui mène depuis des siècles une guerre contre son frère jumeau Saint-Nicolas..." Intitulé La Planète des Barbus, le spectacle va se déplacer pendant 10 jours à travers les bars lyonnais, accompagné par la troupe du Monstrueux Théâtre Bam et le musicien touche-à-tout Bertrand Allagnat, devenu un fidèle comparse de Ducruet.Post-futurisme brutSa troupe, Ducruet l'anime par le charisme et le "bagout", pour contrebalancer le bricolage de l'ensemble et des caisses plus vides que le cerveau de Cali au moment d'écrire ses chansons. Cet Annécien de 26 ans au look d'éternel étudiant (cheveux longs, pas rasé, gros pull "gai luron", jean et basket), animateur dans une maison d'enfance pour "payer son loyer", se définit comme un enfant de "la première génération à avoir bouffé de la télé depuis la naissance". Ses autres influences le poussent vers la SF, le fantastique, l'humour absurde des Monty Python et, plus surprenant, le "post-futurisme brut" d'un Daniil Harms. Après des cours de théâtre au lycée, il se dirige vers le département Arts du spectacle de l'Université et commence à recruter des volontaires motivés pour, dit-il, "faire mes bêtises". Bêtises ? Au départ, l'histoire est plus sérieuse que cela... Ducruet cherche du côté de Tchekhov et Strindberg avant de se fixer sur un texte de Harms qui donnera ensuite son nom à la compagnie. Mais le sérieux ne convient pas totalement à l'acteur-metteur en scène dont le but est de raconter des histoires, mais pas à n'importe quel prix : "J'aime raconter des histoires sans que les gens en soient totalement dupes. J'aime que les histoires soient ouvertes, et que la notion de plaisir soit respectée". Pour cela, les cadres du théâtre font figure de chambre étroite : il décide d'y entreposer tout ce qui l'a construit jusqu'à ce que le déménagement s'impose. Codes des "feuilletons, de la pub, des informations", mais aussi l'enseignement d'un prof vénéré, Jean Verdeil. "Il faisait de l'anthropologie du théâtre, il montrait ses origines dans ses liens avec les célébrations religieuses, ou ses rapports aujourd'hui avec les rave parties...". Tout cela donnera Le Plus vieux métier du monde, sitcom hebdomadaire qu'il jouera pendant la pause sandwich sur le campus, puis dans les bars, jusqu'à devenir un vrai rituel avec ses fidèles, ses guests, son sens exponentiel du happening et son postulat délirant : la mort est un brave étudiant avec ses problèmes quotidiens, qui doit rendre des comptes à ses supérieurs hiérarchiques...Timide mais sans complexeYann Ducruet y devient Yann Ducruète, faux grand manitou derrière le show, entertainer qui présente chaque épisode avec entrain, fait monter l'ambiance et bricole derrière la console pendant la représentation. Ducruet continue en parallèle à développer des projets plus classiques, comme Banane Roi, tragi-comédie écrite par Léonard Dadin dont l'ébauche prometteuse faisait découvrir son incroyable énergie d'acteur. "Je recherche un jeu "en dialectique" : être avec le public, en essayant d'éviter le cabotinage foireux." La pièce est aussi un tremplin vers un théâtre plus institutionnel : "On est des expérimentateurs, on apprend, on progresse, et on pense que la qualité est aujourd'hui suffisante pour se confronter aux institutions." Car derrière le côté débraillé-sympa, Ducruet affiche une vraie réflexion théorique sur son travail, et confesse même une certaine timidité. "Au lycée, il y avait ce balancement entre quelqu'un qui pouvait être très extraverti, et un handicapé de la vie qui n'arrive pas à s'exprimer correctement. Je me "soigne" en faisant du théâtre, et maintenant je peux parler à quelqu'un en face de moi. Mais oui, j'ai un problème avec la vie sociale. J'ai toujours eu un esprit de contradiction très développé." Le syndrome annécien, peut-être...

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