Cashback

Un jeune étudiant aux Beaux-Arts devient insomniaque après une rupture amoureuse et occupe ses nuits en bossant dans une supérette : avec ce premier film envoûtant, Sean Ellis cherche à immortaliser la beauté par-delà sa furtivité. Christophe Chabert

Il y a dans Cashback une séquence éblouissante : alors que son héros déprimé et insomniaque, Ben Willis, fait le magasinier dans une supérette pour occuper ses nuits, il arrête subitement le temps. Les corps se figent au milieu des rayons, et il commence alors à les sculpter, soulevant le t-shirt et les jupes des filles, puis à les dessiner, croquant quelques esquisses de ces modèles éphémères. Magnifiquement mise en scène, la scène produit un effet d'envoûtement sur le spectateur, qui épouse alors la mélancolie du personnage, son flottement somnambule au milieu d'un monde qui oscille entre rêve et réalité. Sean Ellis, photographe réputé pour ses clichés de mode et de stars, avait fait de cette séquence un court-métrage intitulé Cashback. Devant l'accueil unanime réservé au film, il a décidé de lui inventer un avant et un après et surtout, un pourquoi.Beauté voléeAlors qu'en France, toutes les tentatives de cet ordre se sont soldées par des désastres complets, Cashback version longue est une jolie réussite. Certes, par moments, Ellis n'évite pas le remplissage (la scène du foot n'est pas ce qu'il y a de mieux, ni de plus utile, dans le film). Mais l'affaire se tient grâce à une double idée assez pertinente : faire de cette soudaine envie de capter la beauté et de lui enlever son caractère furtif le parfait prolongement du coton dépressif dans lequel le personnage s'enfonce : retour des souvenirs érotiques originels (la fille que l'on n'a pas osé embrasser à l'école, l'étudiante suédoise plantureuse qui sort nue de la salle de bains...), répétition en boucle des mêmes images douloureuses (la rupture initiale, ici symbolisée par un bol qui se brise au ralenti) et finalement exorcisme quand, d'un coup, l'histoire d'avant paraît dérisoire et l'amour paraît à nouveau possible. Le temps élastique de Cashback, allié au sens de l'espace de son réalisateur (les cadres et le choix des focales ne souffrent d'aucune approximation) finissent par faire vraiment ressentir au spectateur la dépression de son héros, sans forcément en faire tout un drame (au contraire, le film, grâce notamment aux collègues de travail débiles de Ben, est assez drôle). On le sait depuis Love actually : quand les Anglais veulent parler d'amour, ils sont capables de nous faire chialer pendant des heures après la projection. Sans atteindre ce sommet, Cashback s'avère quand même très séduisant et émouvant, à la manière de certaines BD autobiographiques de Trondheim ou Peeters... Et en ce morne début d'année cinématographique, ça ne se refuse pas !Cashbackde Sean Ellis (Ang, 1h34) avec Sean Biggerstaff, Emilia Fox...

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