La rage du tigre

Le film de sabre emblématique de Chang Cheh sort de nouveau sur les écrans, auréolé de son indéfectible aura culte. On va enfin pouvoir se débarasser de nos VHS René Château toutes pourries... François Cau

Séquence nostalgie. Au début des années 80, du temps béni des salles de cinéma de quartier, les films de kung-fu chinois faisaient les belles heures des cinéphiles curieux, en dépit de leurs doublages hallucinogènes (par des occidentaux caricaturant l'accent asiatique, ambiance "petit bol de riz") et des retitrages souvent hasardeux du cultissime distributeur René Château (citons pour mémoire les mythiques Karaté à mort pour une poignée de soja, Au karaté t'as qu'à réattaquer ou Il faut battre le chinois tant qu'il est chaud). Au beau milieu de la déferlante, cette Rage du Tigre signée du cinéaste vétéran Chang Cheh ; la troisième exploration successive du réalisateur de l'une des plus grandes figures du genre aux côtés du japonais Zatoïchi : le sabreur manchot, ou one-armed swordman pour les puristes. La trame demeure invariable (et sera par ailleurs reprise par Tsui Hark dans son magnifique The Blade) : un guerrier réputé perd son bras au cours d'un combat. Il vit dès lors une vie de reclus, jusqu'à ce que l'adversité ne frappe son nouveau compagnon, l'obligeant à retater de l'épée. Une intrigue linéaire, voire courue d'avance, enrobée d'un savoir-faire visant à élever le genre vers des hauteurs martiales paroxystiques. La légende solidement ancrée autour du film repose en effet sur ses joutes magistrales, des premiers affrontements dans une forêt onirique au titanesque final, voyant notre héros affronter des dizaines d'adversaires à la seule force de son unique bras.Déclaration saignanteUne scène proprement surréaliste, dont la barbarie quasi abstraite assura à elle seule la renommée du film. Entre ces "parenthèses" mémorables, Chang Cheh s'attarde sur le renoncement de son personnage principal, lui faisant subir les humiliations avec une passivité graduellement frustrante. Et ce n'est pas la frêle Ching, émourachée en vain, qui parviendra à lui redonner confiance... Il faudra attendre l'arrivée de Feng, campé par l'impeccable Ti Lung, pour que notre sabreur reprenne ses offices sanglantes, par "amitié". Si Chang Cheh réfuta la teneur crypto-homosexuelle de ses longs métrages, arguant de la sacro-sainte camaraderie virile unissant les frères d'armes, l'androgynie accentuée de David Chiang, son rejet du personnage féminin au profit d'une fascination trouble pour le nouveau venu (qui enclenchera par ailleurs l'ultime carnage) entérine pourtant cette impression tenace. La fameuse conclusion sanguinolente de La Rage du Tigre porte les stigmates vengeurs de cette passion avortée, et le découpage en tranches des dizaines d'adversaires de résonner insidieusement comme une déclaration d'amour désespérée...La Rage du Tigrede Chang Cheh (1971, HK, 1h42) avec David Chiang, Ti Lung...

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