Une affaire d'État

De retour en France, le réalisateur de 'Maléfique' Eric Valette signe un polar politique intègre, noir, violent et efficace, en hommage au cinéma populaire des années 70. Christophe Chabert

Le vent de la nostalgie souffle du côté des années 70, époque où le cinéma d’ici accouchait d’œuvres populaires dignes et couillues. Mais là où Christian Carion et François Favrat ratent le coche en signant des films datés dans le fond mais surtout dans leur forme, Eric Valette, plus malin, met à profit son expérience américaine (restée inédite chez nous) pour insuffler une vigueur très contemporaine à sa mise en scène et ne retient des 70’s qu’un esprit anar et nihiliste. Dès les premières séquences, où l’explosion d’un avion en plein vol raccorde avec une partouze feutrée entre pontes de la politique et de l’industrie, le cinéaste affirme qu’il ne fera pas de compromis avec les normes du prime time. C’est ce qui réjouit dans 'Une affaire d’état' : le film ne recule pas devant la violence de son récit, sans pour autant tomber dans la complaisance cracra (on est loin d’Olivier Marchal), et impose un tableau déliquescent de la démocratie française et de ses institutions. Le premier acte, où une tentative de libération d’otages ratée révèle un trafic d’armes avec l’Afrique conduite par un patron proche du président (André Dussollier, glaçant de cynisme poli), met ainsi à nu une pyramide d’ambitions privées qui n’ont plus rien à voir avec un quelconque intérêt général.L’état de non-droit
En contrepoint à cette gangrène putride, Valette aurait pu choisir le camp d’une jeune fliquette beur idéaliste (Rachida Brakni) propulsée dans ce nid de serpents suite à la mort de son supérieur, un fan de westerns spaghettis — clin d’œil cinéphile assumé par le cinéaste jusque dans la musique du film. Mais celle-ci n’a rien d’une oie blanche : ambitieuse et prônant des méthodes expéditives, elle poursuit un dessein vengeur que Valette utilise pour garantir au film son côté badass, mais qu’il regarde aussi avec une certaine circonspection (là encore, rien à voir avec les dérives fachos de Marchal dans 'MR 73'). C’est en fait un troisième personnage qui recueille ses faveurs : Fernandez, tueur héroïnomane sur le point de raccrocher, mais tellement maladroit et poissard qu’il s’enfonce à chaque pas dans l’enfer ambiant. L’interprétation physique, mutique et mélancolique de Thierry Frémont crée une réelle empathie avec le personnage. Cet anti-héros individualiste vivant dans l’ombre des alcôves du pouvoir, est pour Valette l’occasion de raccrocher les wagons avec ses modèles, 'Mort d’un pourri' et 'Trois hommes à abattre' au premier chef. Des modèles face auxquels 'Une affaire d’état', avec son cachet de série B inventive et rapide, n’a pas à rougir.Une affaire d’état
D’Éric Valette (Fr, 1h45) avec André Dussollier, Rachida Brakni, Thierry Frémont

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