La puissance du rêve : Alexandra Stréliski à l'Épicerie Moderne

Postminimalisme / Véritable star au Québec, Alexandra Stréliski a su s'imposer dans le panorama de la musique instrumentale en 2018 avec Inscape. Pour sa nouvelle tournée la pianiste Montréalaise a choisi Feyzin comme première étape européenne. À ne pas manquer.

On entre dans la musique d'Alexandra Stréliski comme on glisse dans des eaux chaudes : plongés dans une sensation de bien-être total, comme si une révélation était sur le point de se dévoiler.

La nostalgie d'un passé jamais vécu

Sa discographie, essentielle et exigeante – seulement trois albums en quatorze ans – dessine un parcours enchanteur et subjuguant. En 2010 la compositrice pose la première pierre de son édifice, Pianoscope, album qui la révèle au public. Douze morceaux hésitant entre douceur et inquiétude, enchevêtrement entre les suites de Ludovico Einaudi et une nostalgie mélancolique. Un voile de charmant anachronisme recouvre cette musique qui semble provenir des plis de l'histoire, jaillissant sans prévenir dans notre temps. Ces compositions contiennent des cristaux épargnés par le passage du temps, longtemps ensevelis à l'abri des yeux et des oreilles du monde. Le geste révélateur de la pianiste québécoise restitue au monde ces fragments, tel un hommage filial (Valse pour maman) ou un lent geste d'assoupissement (Berceuse).

Huit ans plus tard, voici Inscape, l'album de la consécration, récompensé par de nombreux et prestigieux prix. L'opus s'ouvre sur Plus tôt, chef-d'œuvre d'équilibre et de charme : ici l'élégance de son geste pianistique atteint les sommets (discrets) de la perfection, conjuguant la répétition de Philip Glass et les mouvements flottants de Max Richter. Sa musique ne se limite pas à évoquer des visions apaisantes, mais les décrit avec acribie. Comme une graveuse maîtrisant parfaitement l'art du burin, Alexandra Stréliski trace les contours de son geste musical avec minutie. Ses compositions possèdent ainsi des douces ombrosités et une mélancolie réflexive qui rappelle les grands maîtres des estampes de la Renaissance.

L'ouverture et la légèreté

L'année 2023 s'ouvre avec son troisième opus, Néo-Romance. Avec ce travail la pianiste tente de s'éloigner du mouvement du néo-classique, pour s'ouvrir à des nouvelles esthétiques. Néo-Romance est le fruit d'une période moins claustrophobe – le déconfinement – où l'on perçoit une ouverture inédite au monde, un regard plus léger. Imprégnée d'esprit romantique, dans une récente interview pour La Presse la musicienne a livré sa recette humaniste et révolutionnaire : « C'est quoi être un rêveur aujourd'hui ? Pour moi, c'est une arme nucléaire face à la désillusion ambiante et le manque de respect. C'est un truc quasi militant de bombe par l'imaginaire et le beau. »

Alexandra Stréliski
À l'Épicerie Moderne le jeudi 22 février

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