On en oublierait presque que ce sont eux, les inventeurs du Nouveau Cirque. L'air de ne pas y toucher, avec Le Cirque invisible, Jean-Baptiste Thiérrée et Victoria Chaplin ont révolutionné l'art de la piste. Marion Quillard
Avec facétie, les deux amants inventent un monde étrange et onirique où se mêlent équilibristes gracieux, lapins géants, cyclistes ingénieux et genoux amateurs d'opéra. Dans une irrésistible panoplie de numéros, ils marient la dextérité au merveilleux, l'inventivité à l'agilité, la magie au burlesque, et recréent le regard neuf de l'enfance. Rythmé, le Cirque Invisible saute de l'oie au lapin, et les saynètes s'enchaînent à la vitesse d'un changement de costume. Se succèdent ainsi clémentines, poissons de papier («Anchois Mitterrand» compris), théière géante et quelques fleurs. À eux deux, ils habitent la scène avec une créativité époustouflante. Humour et auto-dérision au poing, le maoïste et septuagénaire Thiérrée pose ses valises au fil des numéros comme autant de passés, autant de voyages. Des valises magiques desquelles s'échappent des morceaux d'enfance... Et hop, c'est reparti pour un tour. Victoria Chaplin, elle, joue sur un autre ton. Pleine d'amour et de tendresse, elle crée un microcosme onirique qu'habite tout un bestiaire fantasmagorique. Elle est tour à tour autruche, serpent, tortue, cheval, crocodile... Elle se pare chaque fois d'ombrelles, comme autant de protection contre la vitesse et la dureté du monde des adultes. En vingt ans, le Cirque Invisible a vieilli. Décalé, daté comme un film de science fiction rattrapé par la réalité et où des effets spéciaux improbables caricaturent le propos, il garde pourtant une infinie justesse dans la proposition artistique. Touchant comme un jeu d'enfant, comme une photo jaunie, comme leurs rides au coin des yeux. Touchant comme un dernier tour de piste... qu'on leur souhaite le plus long possible.