Pour avoir suivi de près les trois premières éditions de Lumière, on sait d'expérience à quel point le choix de la personnalité pour recevoir le Prix Lumière influe sur l'esprit général du festival. La star Eastwood avait tout écrasé en 2009, et Depardieu avait laissé planer un parfum de nostalgie plombante sur l'édition 2011. En revanche, la simplicité et la vitalité de Milos Forman, son envie intacte de faire du cinéma au présent, expliquaient grandement la réussite de Lumière 2010, équilibré, joyeux et populaire.
On s'avance sans doute, mais on pressent que l'édition 2012 sera du même acabit, tant Ken Loach est lui aussi un cinéaste peu enclin à regarder en arrière. C'est l'âme même de ses films, qui ne baissent jamais les bras même lorsqu'ils sondent des abîmes de noirceur et de désespoir. Mais son engagement politique et citoyen, sa passion pour le foot, son humour british, tout cela devrait irradier la fin de la manifestation. Dans la rétrospective de son œuvre, il y a de belles perles à découvrir pour toute une génération de spectateurs : Kes, bien sûr, mais aussi Raining stones, Ladybird, Land and freedom, Sweet sixteen, Le Vent se lève et It's a free world, sans compter le très rare Cathy come home, tourné pour la BBC et jamais projeté dans les salles françaises.
Ce sera aussi l'occasion de constater que Loach, qui n'est pas un styliste, est pourtant un metteur en scène dont la méthode de mise en scène n'a jamais dévié de son inspiration initiale : mettre les personnages et les acteurs, donc l'humain, au centre des séquences, puis leur laisser l'espace et la durée pour que ce soit d'eux que surgisse le discours, et non pas du seul cinéaste derrière sa caméra. Ken Loach est de toute évidence un beau Prix Lumière.
Christophe Chabert