Panorama / Que de destinées et de parcours de vies se nouent et se jouent sur les écrans de février, où l'on se demande souvent s'il vaut mieux être, avoir été ou devenir ! En tout cas, cela incite au mouvement...
Si tous les feux médiatiques sont, à juste titre, braqués sur la question des retraites, ceux du cinéma s'intéressent à une jeunesse guère plus favorisée que les aînés. Dans Petites (22/02) Julie Lerat-Gersant suit une ado enceinte retirée à sa mère immature et placée dans un foyer où elle peut (enfin) se construire auprès d'éducateurs — on retrouve un peu l'esprit de Placés de Nessim Chikhaoui, justement, dans cette chronique du monde social. Comment ne pas faire le lien avec le stupéfiant Astrakan de David Depesseville (08/02) montrant, sur les traces de Pialat et Truffaut, le quotidien d'un pré-ado placé dans une famille d'accueil rurale plus intéressée par le revenu qu'il engendre que par l'amour qu'elle peut lui offrir. Le cinéaste suit ici une ligne périlleuse entre réalisme et onirisme, explicite et non dit ; il est bien secondé par la révélation Mirko Giannini ainsi que par Bastien Bouillon et Jehnny Beth, inattendus dans leurs emplois de semi-Thénardier.
C'est d'un foyer encore que Yazid dans À la belle étoile de Sébastien Tulard (22/02) s'échappe pour accomplir son rêve : devenir un grand pâtissier. Il y parviendra mais ce n'est pas une surprise puisqu'à l'instar de Divertimento, il s'agit ici d'un biopic du chef Yazid Ichemrahen. Il offre au passage au Youtubeur Just Riadh son premier rôle.
Restons dans les histoires de famille avec le très réussi Pour la France de Rachid Hami (08/02), où le cinéaste transpose le combat de sa famille pour faire reconnaître officiellement par l'État la mort de son frère durant un “bizutage“ à Saint-Cyr. Solidement écrit et réalisé entre trois continents, ce film très ambitieux et porté par l'incontournable Karim Leklou dépasse les frontières du drame personnel.
Léonor Serraille suit quant à elle, sur une trentaine d'années, l'itinéraire d'une mère de famille ivoirienne arrivant en France avec ses deux enfants dans Un petit frère (01/02) . Une mini-saga révélatrice des failles et réussites du modèle sociétal français, portée par Annabelle Lengronne, Stéphane Bak et Ahmed Sylla.
De place en place
Lao-Tseu a, paraît-il, dit : « il faut trouver la voie ». Certains la cherchent avec acharnement, comme le héros de l'énigmatique La Montagne (01/02) de et avec Thomas Salvador qui, pour la trouver, se hisse ex abrupto vers les sommets à la découverte de l'inconnu. Cette fuite lui offrira, outre une quête intérieure, deux rencontres dont une sentimentale et l'autre aux lisières du fantastique.
En altitude toujours dans Les Choses simples (22/02) de Éric Besnard, c'est un capitaine d'industrie au bout du rouleau qui reprend goût à la vie au contact d'un scientifique entre ours et ermite, non sans lui avoir permis en échange d'accomplir son rêve. Cette bromance entre Lambert Wilson/Grégory Gadebois fonctionne d'autant mieux qu'elle s'écarte au fur et à mesure des sentiers du prévisible.
Dans Astérix et Obélix : L'Empire du milieu (01/02), c'est vers la Chine — tournée en Auvergne — que les Gaulois dirigent leurs braies. Certes inégal, cet opus accommodé aux préoccupations du moment vaut pour l'interprétation de Lellouche très crédible en Obélix, de Cassel en César, de Cohen et de Cotillard dans son “second” rôle surprise. Pour avoir un vrai shoot d'Asie, autant se diriger vers La Romancière, le film et le heureux hasard (15/02) où Hong Sang-Soo raconte en une quinzaine de plans autour d'une place de la banlieue de Séoul, la manière dont des rencontres fortuites entre romancière, libraire, cinéaste et poète vont déboucher, l'alcool aidant, sur un tournage. Frais, bavard et romehrien.
C'est une place également (mais du Sud) qui se trouve au centre de Tant que le soleil frappe de Philippe Petit (08/02) et qu'un paysagiste au grand cœur veut transformer un jardin public. Il pense bénéficier de l'aide d'un architecte renommé... mais son idéalisme va se heurter au pragmatisme de l'homme de l'art. L'éternel combat entre la gratuité de la poésie et la rentabilité ; entre la cigale et la fourmi. Rien de nouveau sous le soleil, hélas...