Eros + Massacre

de Kiju Yoshida (1969, Jap, 2h48) avec Mariko Okada, Toshiyuki Hosokawa…

L’événement cinéphile de la semaine, c’est la venue à Lyon de Kiju Yoshida, avec d’un côté la reprise au CNP de son œuvre culte Eros + Massacre, et de l’autre la présentation à l’Institut Lumière de La Source thermale d’Akitsu, un mélodrame flamboyant, et de son film consacré à Ozu, dont il fut l’assistant. Avant de rencontrer ce maître oublié du cinéma japonais, véritable trait d’union entre les classiques (Ozu, Naruse…) et les modernes (Oshima, Imamura…), attardons-nous sur Eros + Massacre. Le film est largement devancé par sa réputation d’œuvre monstre. Sa version longue (3h29 !), que l’on peut découvrir sur le DVD édité par Carlotta, est effectivement colossale, demandant au spectateur une attention extrême loin des films prédigérés qui envahissent les écrans aujourd’hui. L’action s’y déploie sur deux plans : le présent, où une actrice et un étudiant en cinéma se mettent en scène dans des jeux entre éros et thanatos, obnubilés par le souvenir de l’anarchiste Sakae Osugi, qui prônait dans les années 20 l’amour libre en l’appliquant avec sa femme et ses deux maîtresses. Ce passé s’enchâsse dans le présent, et les deux vont jusqu’à fusionner durant le très onirique épisode de la mort d’Osugi. La mise en scène de Yoshida, complètement expérimentale, surexpose les plans ou les plonge dans le noir, décadre l’action (on ne voit parfois que les visages des comédiens repoussés sur les bords du cinémascope), sature ou dénude la bande-son, érotise les corps, pousse le jeu des acteurs vers un anti-réalisme très nouvelle vague… Fascinant et épuisant, Eros + Massacre est un objet de pur cinéma (la pellicule y joue un rôle dramatique fondamental), ainsi qu’une réflexion complexe sur les apories idéologiques et les mensonges historiques, l’intime et le collectif. Qu’il ressorte au moment de la «commémoration» de Mai 68 ne fait qu’en souligner la profonde pertinence…CC

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