Ma nuit chez Rohmer

Où les cœurs s'éprennent

Théâtre de la Renaissance

ce spectacle n'est pas à l'affiche actuellement

Théâtre / La théâtralité de l’œuvre d'Éric Rohmer nous a parfois laissé à la porte de ses films. Contre toute attente mais, en toute logique, l’adaptation théâtrale que fait Thomas Quillardet des Nuits de la pleine lune et du Rayon vert est d'une épatante vitalité.

Deux longs-métrages qui se succèdent dans la filmographie de Rohmer comme sur la scène de Quillardet : Les Nuits de la peine lune, très écrit, 1984, puis Le Rayon vert basé sur l’improvisation, 1986, qui remporta le Lion d'Or à Venise. Dans les deux cas, une femme qui questionne son désir. Soit, dans le premier film, en vivant avec un homme en banlieue parisienne mais en gardant une indépendance (en tout sens) avec une chambre de bonne à Paris, soit en traînant une solitude encombrante et en cherchant l'amour avec la peur de s'y dissoudre.

Naïve parfois mais absolument intemporelle, cette réflexion sur la place qu'on s'accorde à soi-même est infiniment séduisante au théâtre car le metteur en scène a totalement intégré l'aspect ludique de ces films inscrits dans la série des Comédies et proverbes du réalisateur décédé en 2010.

« Tu me plais mais tu m'attires pas »

Le terrain de jeu de Quillardet le plus évident est son décor pop-up, simple (feuille de papier blanc) que ses acteurs découpent pour en faire un tipi, un lit, qu'ils peignent aussi (une grande trace bleue et nous voilà au bord de la mer). Un téléphone à cadran situe l'époque – inchangée par rapport à Rohmer – et un train électrique symbolise les déplacements pendulaires de Louise, occasionnels de Delphine. Mais surtout il accorde une place prépondérante à ses acteurs, plus autonomes que dans son adaptation (avec Jeanne Candel) de La Villégiature de Goldoni en 2010 dont la thématique avait déjà largement à voir avec ce travail initié en 2016. Tout se joue par touche.

Dans Les Nuits... Anne-Laure Tondu maîtrise la brièveté de ses interventions, leur rudesse aussi toujours empreinte de drôlerie. Son personnage ne tombe jamais dans la mièvrerie ; elle l'emporte du côté des esprits libres puisque, de son corps, elle fait ce que bon lui semble. Plus pataude, Marie Rémond – oui celle qui fut à l'initiative de cet incongru et formidable spectacle sur Agassi, Andre – incarne une jeune fille sans relief dans Le Rayon vert à qui elle va peu à peu donner du souffle et la laisser se déployer. Peut-être bien aussi parce que la comédienne a signé avec Quillardet l’adaptation de ce scénario en y instillant des éléments personnels.

In fine, Où les cœurs s'éprennent est un bijou de délicatesse, étonnant et bien plus profond qu'il ne s'en donne l'air pour peu que l'on creuse ce travail qui se déguste avec une réelle gourmandise, celle d'un sorbet sur une plage en plein soleil.

Où les cœurs s'éprennent
A
u Théâtre de La Renaissance du 23 au 25 mai

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