Sous le signe Del Toro

Critique / Synthèse de son œuvre encore jeune et manifeste de son amour pour un cinéma de l'imaginaire, Le Labyrinthe de Pan est le film de la consécration pour son passionnant réalisateur mexicain, Guillermo Del Toro... Christophe Chabert

Si on considère que le cinéma, ça s'écrit avec des images et rien que des images, alors Guillermo del Toro est un immense cinéaste et son Labyrinthe de Pan un des films de l'année. Raconter Le Labyrinthe de Pan est ainsi une mission parfaitement impossible ; tout au plus peut-on expliquer que durant les premières années du Franquisme, dans une forêt espagnole, un sadique capitaine fait venir la femme dont il attend un enfant et la petite fille qu'elle a eu d'une union précédente avec un milicien anarchiste. Mais la petite fille croit aux contes de fées, et à peine descendue de voiture, découvre un monde magique, merveilleux et effrayant peuplé de monstres et de dédales secrets. Maintenant, pour retranscrire la flamboyance visuelle du film, son ambition formelle et l'inventivité permanente de sa mise en scène, il faudrait plus que la totalité de ce journal ; c'est bien sûr là son incomparable qualité.Monstres et compagnie (d'infanterie)Aussi à l'aise pour montrer la charge des franquistes contre les révolutionnaires que pour explorer avec son héroïne l'antre où vit une créature dont les yeux sont accrochés aux mains et qu'il ne faut surtout pas réveiller (ce qui arrivera, évidemment), Del Toro fait ainsi se téléscoper tout le long du Labyrinthe de Pan réalisme historique et pure bouffée de fantastique poétique et onirique. D'un côté, le militaire fanatique et cruel (Sergi Lopez, encore une fois génial, le con !) ; de l'autre, l'enfant qui se réfugie dans ce monde pas du tout rassurant mais finalement bien moins brutal que celui des adultes. En cela, si Le Labyrinthe de Pan emprunte des chemins déjà largement défrichés par le cinéaste (L'Échine du diable mêlait déjà la grande Histoire et une simple histoire de fantômes, et les monstres horribles mais gentils pullulaient déjà dans Blade II et Hellboy), il le fait avec nettement plus de virtuosité et surtout, en tire une véritable profession de foi : la violence de la réalité est le vrai danger qui menace l'enfant innocent ; celle des images, en revanche, est justement ce qui peut l'aider à vivre et à grandir. Impossible de ne pas voir ici la profession de foi intime de Del Toro, cinéaste mexicain qui ne peut plus mettre les pieds dans son pays sous peine d'enlèvement et qui doit son succès à sa vénération pour le cinéma d'horreur et les comics. Dans Le Labyrinthe de Pan, l'échappée dans l'imaginaire ne sauve pas, la réalité finit par tragiquement tout rattraper... Mais sans elle, aurait-on vraiment pu supporter l'absurdité et le chaos de l'existence ?Le Labyrinthe de Pande Guillermo del Toro (Mexique, 1h45) avec Sergi Lopez, Ivana Baquero...

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