CD+DVD / À ceux qui sont malades par mer calme. Derrière ce titre joliment suggestif se cache peut-être le futur de la musique de Yann Tiersen. Lui que l'on reconnaît d'ordinaire dès les premières notes d'accordéon ou les premiers coups d'archet se montre ici moins figuratif, délaissant son goût immodéré pour la mélodie au profit d'un sens affûté de l'atmosphère, en route vers un certain post-rock impressionniste. Cette porte ouverte sur demain apparaît d'autant plus évidente que le reste de ces Retrouvailles résume à merveille les talents multiples du spécimen. De la pièce sombre pour violon seul (7 P.M.), à la fugue pour septette à deux mains (Western), en passant par l'auguste peinture symphonique (le mariage entre l'orchestre et l'homme seul semblant plus harmonieux que sur L'Absente), tout y est. Y compris les chansons et les invités de marque : Liz Frazer (Cocteau Twins), Stuart Staples (Tindersticks), Jane Birkin, Miossec et devinez qui... Dominique A ! Sur Le jour de l'ouverture, celui-ci vient prêter main-forte à ses deux vieux copains (Tiersen et Miossec), tout timides face au joyeux bordel des mots et des notes. À son arrivée, les deux autres semblent terrassés par le lyrisme retenu de leur pote chanteur (lui), s'effacent, puis prennent leur courage à deux mains pour une communion finale atteignant les sommets. Les crises de fous rires ponctuant l'enregistrement de ce morceau de bravoure sont parmi les moments les plus touchants de La Traversée, le film qui accompagne l'album. Aurélie du Boys y saisit les frémissements créatifs sur l'Île d'Ouessant, le minutieux travail en studio et capte de formidables sessions de musique mise en scène, dans le cadre insolite d'un vieil hôtel brestois. Un regard inventif et exigeant sur un artiste qui semble aujourd'hui en phase avec les centaines de voi(es)x s'agitant dans son crâne. En trois mots : un artiste épanoui.EA
