La tête et les jambes

Photo : (c) Muriel Thies
Musique / «Muscle ton jeu Robert, ou tu vas au devaiint de graiindes décaaonvenues !» lança, un soir de 98, Saint Aimé Jacquet à l'inconstant Robbie Pires, avant d'aller vanter les mérites respectifs de la Ligue 1 Orange et du steak haché Casino. Le conseil, qui signifiait en fait «grandis !», aura autant servi Robbie que Sharko, le Pires du rock belge (du talent plein les pattes, mais un jeu confus). On n'attendait en effet plus grand-chose de ce groupe issu de la deuxième vague du «sillon wallon» (Girls in Hawaïï, Hollywood Porn Stars, Ghinzu), sympathique mais légèrement moins inspirée que sa devancière (dEUS, Venus, Soul Wax). Sharko, réputé pour ses prestations scéniques, produisait jusqu'ici des albums dispersés et inefficaces. Mais comme, avant eux, nombre de grands hyperactifs éparpillés aux quatre coins de leur talent (Flaming Lips, Mercury Rev, Robert Pires, donc), le miracle de la maturité a fini par se produire avec l'album Molecule, aussi musclé que réfléchi : ce qu'on appelle dans le jargon, le «match référence». Globalement, ça ressemble d'ailleurs beaucoup à du Flaming Lips (Skish Hee, I'm gonna make it ou I need someone pourraient être extraits de n'importe quel disque des Lips sorti après 1999). Et s'il ne côtoie pas encore les mêmes sommets suroxygénés, David Bartholomé, tête pensante de Sharko, nous rappelle beaucoup, y compris physiquement, le très allumé leader des Lèvres en Feu, Wayne Coyne : vocaliste hors pair, Bartholomé use à merveille de sa voix de chaton châtré pour jouer les David Byrne (Sugarboy), les Robert Smith sous perfusion Bowie période Modern Love (No More I Give Up), et même les Roy Orbison rampants (Love is a Bug). Et conclut enfin assuré de son talent : «No contest, I'm the best». Stéphane DuchêneSHARKOÀ la Marquise, jeudi 7 juin«Molecule» (BangDiscograph)